Wilhelm Reich naît en Autriche le 24 mars 1897, dans l’exploitation agricole d’un couple juif aisé et désuni. Son enfance est studieuse et solitaire. Des précepteurs privés assurent son éducation. Le jeune Reich est fasciné par la nature et les phénomènes de reproduction et, très tôt, il aura ses propres cultures et élevages de petits animaux. Il a 13 ans lorsque son père le force à révéler la liaison de sa mère avec l’un des précepteurs. Elle mettra fin à ses jours peu de temps après. Il devient par la suite médecin, puis psychiatre. À Vienne, dans les années 20, Reich devient l’élève favori de Freud, dont il finira par se distancer pour aller au-delà des théories de son mentor. Là où Freud s’arrête aux névroses sexuelles de chaque individu, Reich va plus loin en analysant au niveau de la société entière, le rôle de la sexualité dans l’asservissement des peuples. En 1930, il émigre en Allemagne et fonde un centre public de recherche sur les conditions de vie contemporaines qui rassemblent plus de 100 000 adhérents. L’Allemagne est à l’époque en pleine révolution communiste et libertaire. Avec l’arrivée de Hitler au pouvoir il est obligé de quitter l’Allemagne pour la Norvège, le Danemark, l’Angleterre puis les États-Unis. À la suite d’expériences pour éliminer les cancers dus aux radiations nucléaires, la FDA (Food and Drug Admninistration) le jette en prison, où il meurt peu de temps après, en 1957. Il aura écrit plus de 30 ouvrages, dont une bonne partie est disponible en langue française. Certains en France considèrent Wilhelm Reich comme un homme d’extrême gauche, alors qu’il a fortement condamné les dérives de l’expérience soviétique. Wilhelm Reich était un défenseur de la liberté, valeur centrale dans une VÉRITABLE démocratie.

La révolution libertaire des années 30 en Allemagne, dont il fût une des figures centrale, a été écrasée par les industriels allemands et américains qui ont financé la venue de Hitler au pouvoir pour envoyer en camps tous les déviants (communistes, libertaires, alcooliques, drogués, homosexuels, romanichels, Juifs, etc.). Les libertaires de 1968 ont connu le même échec que ceux des années 30, mais sans connaître les camps de concentration, car entre-temps, la communication de masse (radio et surtout télévision) permit de transformer un projet de libération économique et sexuelle en un projet de consommateur «libre». Mais en 2009, on commence à mieux voir quel était ce projet de libération. Ce sont, en réalité, quasiment, les mêmes cartels qu’en 1945, qui ont la liberté de vendre les mêmes produits dans le monde entier aux zombies sans culture, porcs abreuvés de sous-culture américaine. Ces cartels ont désormais toutes les cartes en mains : OMS, OMC, FMI, Banque Mondiale, Codex Alimentarius, Commission Européenne, Ordre des médecins, Ordre des pharmaciens, médias. Et pour un cartel, comme pour Rockefeller «La concurrence est un péché». On comprend mieux le point commun entre l’expérience soviétique et le capitalisme version «trust» ou encore le lien entre Nicolas Sarkozy et les trotskistes. Le communiste, comme le dirigeant de “trust” ne veulent pas de la libre entreprise, de la liberté, de la concurrence, de la démocratie, car ils sont dangereux pour ces rentiers aux commandes.

La psychologie de masse du fascisme.
Marianne Nizet

Cet ouvrage fut conçu entre 1930 et 1933, alors que l’Allemagne est en crise sociale et politique. Reich est parti de ses travaux sur l’économie sexuelle afin de cerner, par la « psychologie des profondeurs », le succès de la propagande nazie.

Son analyse est novatrice, renversant celles des marxistes qui ne pouvaient, selon lui, appréhender le fascisme par des réflexions intellectuelles datant du siècle précédent.

Il rappelle que l’autorité patriarcale et anti-sexuelle issue de l’ordre social bourgeois (et de la division sociale en classes), que les masses subissent depuis des millénaires, est la base sur laquelle leurs structures caractérielles serviles et mystiques se sont formées. L’assise du capitalisme, et plus précisément du fascisme, qui en est une des concrétisations les plus abouties, avec le libéralisme, n’est alors pas le point de départ de l’histoire d’une nation, d’un parti, d’un führer, mais est inscrite dans l’histoire de la société occidentale entière et donc de tous les hommes qui appartiennent à cette société. La singularité du fascisme n’est donc pas niée mais inscrite dans un processus.

Reich replace alors les masses face à leurs responsabilités, et notamment les couches petites-bourgeoises allemandes qui se rallièrent à l’idéologie dominante de la classe bourgeoise, pourtant en contradiction totale avec leur situation économique insatisfaisante. Il s’avère que c’est à cette foule qui a peur de la liberté, lui préférant la docilité et la répression pulsionnelle et qu’il connaît si bien, puisqu’il en est issu, qu’Hitler s’adressa.

Ne se liant pas aux ouvriers de l’industrie et connaissant une compétition interne très importante de par son statut, la seule entité qui permit de rassembler les membres de la petite-bourgeoisie, et sur laquelle le national-socialisme joua, fut la propriété individuelle défendue par l’institution familiale autoritaire, avec tous les principes moraux que ceci entraîne, à savoir la répression sexuelle, l’inculcation de l’honneur, du devoir…, permettant ainsi une transposition, par la suite, de la mère à la nation et du père à l’Etat.

Le fascisme gagna aussi la classe prolétarienne grâce à l’embourgeoisement progressif, idéologique et parfois matériel, de celle-ci. Reich revient sur le fait que la morale sexuelle n’avait jamais atteint les masses ouvrières auparavant, et qu’elle n’aurait eu aucun effet sur elles si elle n’avait pas été internalisée.

Elle le fût parce que les nationaux-socialistes reprirent à leur compte tous les supports symboliques révolutionnaires en y faisant passer leur programme réactionnaire. Ils avaient effectivement compris que devant des foules de plus en plus apolitiques, de moins en moins empruntes à se donner les moyens matériels d’une révolution totale, il fallait jouer sur les sentiments, la croyance en une libération prochaine facile et méritée à qui de droit, faire naître un nouveau mysticisme issu de celui religieux, et non en appeler à leur raison, comme les communistes l’ont cru à tort.

Le point important du livre est ici : les foules ne furent pas abusées, « violées », selon Reich, par la propagande nazie, mais elles s’y soumirent de leur plein gré. Ce n’est pas alors le fascisme qui a endoctriné les masses, mais ce sont les masses, mystiques, réceptives aux illusions seules, qui ont porté le fascisme au pouvoir.

L’erreur des communistes fut donc d’en appeler à leur raison au lieu de tenter de comprendre les processus psychologiques, en jeu chez l’homme mystique, afin de mieux les combattre. Ils échouèrent alors à vouloir se battre avec les armes d’adversaires réactionnaires, notamment la religion chrétienne qui était en place depuis deux milles ans et dont le pouvoir était ancré dans les profondeurs psycho-sexuelles des masses, pouvoir misant sur le déplacement des énergies vitales, que l’on interdit de se dégager par une vie sexuelle naturelle, au profit d’un sentiment religieux substitutif. L’homme mystique devient incapable de se tourner vers un discours rationnel puisqu’il a perdu le goût du bonheur en même temps que son énergie sexuelle.

Reich explique alors comment l’idéal d’une organisation internationale, pensée par les socialistes, ne se réalisa que sur le plan économique. Les masses ne prirent aucune responsabilité, abandonnant ainsi l’ébauche de toute fondation structurelle et idéologique indispensables à un véritable mouvement universel. Le mouvement international socialiste éclata et se fractionna en de nombreux petits mouvements nationaux, s’opposant les uns aux autres de part leur déception commune. C’est la capacité à s’emparer de cette lacune idéologique des communistes qui fit la puissance des fascismes allemand et italien et leur permit cette internationalisation fulgurante.

Le fascisme et l’église firent bon ménage dans la manipulation des masses de par, nous l’avons déjà vu, l’enchaînement par l’angoisse sexuelle, mais aussi par un semblant de discours anti-capitaliste qui mirent en confiance les foules, de sorte que la confusion régnait à tous les niveaux excepté sur l’illusion que seul le parti nazi, et son führer en tête, connaissait les attentes du peuple et pouvait les satisfaire.

Et si la propagande n’innova pas en s’appuyant sur la conservation et le renforcement de la famille autoritaire, elle le fit cependant sur la théorie raciale, en ayant pour but explicite la préservation de la race aryenne et l’anéantissement du peuple juif.

Le coup de maître fut d’y mêler la sexualité, saine, allemande (pour la procréation et le renouvellement de la race, dans les règles de la religion), d’une part, et sale, juive, française, débauchée, jouissive, source de maladies telle la syphilis, de l’autre, renforçant ainsi le consentement des foules dans leur propre angoisse sexuelle et permettant d’alimenter leur refoulement mystique et nationaliste.

Face à ce phénomène, l’économie sexuelle que propose Reich est une pratique qui consiste à démasquer l’idéologie mystique et à libérer les énergies qu’elle implique afin qu’elles soient réinvesties par chacun dans un combat juste contre l’origine de sa détresse, à savoir sa condition sociale, en vue d’abolir sa soumission volontaire à l’autorité et la perpétuation de l’éducation autoritaire anti-sexuelle qui en découle.

Reich nous fait alors, non pas une prescription idéologique, mais un constat que l’on pourrait qualifier de clinique lorsqu’il conclut que les ouvriers ont vu, dans l’avancée du capitalisme, les conditions d’une libération prochaine mais qu’ils apprirent à leur dépens que les progrès techniques ne font qu’accroître leur misère ; le pouvoir de décider de la tournure de leurs vies ne revint pas aux hommes des masses mais à l’Etat, continuation de la domination des classes dirigeantes sur les foules apeurées  de construire leur liberté en dehors du cadre rigide de ce fameux Etat. Mais Reich rappelle que l’Etat fut créé par des esclavagistes grecs et romains, et ce dans le but de conserver et de légitimer leur organisation hiérarchique, et qu’aucun revirement véritable ne peut se faire dans ce cadre-là.

De plus, l’évolution des rapports entre les hommes et leur travail fut un élément déterminant car avec l’essor de la mécanisation, du rendement et du profit, le travail n’est plus une source de joie pour l’ouvrier mais devient au contraire aliénant, non reconnu et non valorisé.

La conclusion de cet ouvrage peut sembler assez noire puisque aucun faux espoir n’est donné par l’auteur. Le constat est sans appel, mais rationnel, et adressé à des personnes rationnelles : L’homme ne sera vraiment libre que lorsqu’il se détachera de la machine, qu’il ne reniera plus son origine animale et qu’il retrouvera alors son autodétermination sexuelle. À cette seule condition travailler redeviendra épanouissant et chacun se sentira, et sera concrètement responsable dans l’organisation de la société car la démocratie ne pourra s’exercer que lorsque toute forme d’idéologie prônant le « non-travail », c’est-à-dire sans intérêt vital, sera éliminée. Ceci revient à dire lorsque les classes dominantes, réprimées sexuellement, n’oppresseront plus sadiquement les masses, sur fond de politique, et que le travail rationnel retrouvera sa place de référence à la base d’une construction sociale réellement humaniste.

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